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Vous êtes trop fatigués ou indisponibles pour appeler ceux que vous aimez ? Soyez rassurés, InTouch le fait à votre place grâce à l’IA.
Gagnez du temps et perdez le lien dans l’ère des émotions sous-traitées.

InTouch promet sans trembler de « renforcer les liens familiaux » et de « lutter contre la solitude des personnes âgées », grâce à des appels réguliers, ajustés à leurs centres d’intérêt, « aussi souvent qu’ils ou elles le souhaitent ».

Ce n’est pas la technologie elle-même qui interroge ici, mais le mouvement qu’elle opère dans nos existences : celui d’une substitution silencieuse.

Ce n’est pas tant que l’intelligence artificielle remplace l’humain.
C’est qu’elle se glisse à la place du sujet, là où il n’agit plus.

Car, au fond, tout part d’un désir : celui d’être en lien, d’apaiser la solitude de ceux qu’on aime, de maintenir un fil.
Mais ce désir, l’IA ne peut pas l’incarner à notre place.
Elle peut le simuler, l’imiter, mais jamais le porter.

La relation humaine suppose une implication, un engagement, une subjectivité c’est-à-dire une faille, un corps, une histoire.
Or ici, ce que l’on confie à la machine, ce n’est pas seulement un rôle : c’est la place du sujet dans le lien.

En cela, le dispositif InTouch n’est pas seulement un outil d’accompagnement, mais une stratégie d’évitement, qui permet de maintenir le fantasme d’un lien vivant, sans avoir à en assumer la temporalité, la disponibilité et la responsabilité.

Mais peut-on encore parler de lien, si le désir de le nourrir est dissocié de l’acte de le vivre ?

Nous vivons dans une société de l’immédiateté, où le soin, la présence, la parole même, sont soumis à des contraintes de rythme et d’efficacité.
InTouch s’inscrit dans cette logique : celle d’un soulagement logistique du lien.
Mais le lien n’est pas un flux à optimiser.
Il ne se satisfait pas d’une mise en récit algorithmique.

Remplacer notre altérité par une IA, c’est désamorcer l’inconfort fécond du lien, qui, dans sa forme la plus essentielle, n’est pas le contenu d’une conversation.
C’est ce qui circule entre deux subjectivités qui risquent quelque chose.

Et l’illusion qu’une parole préfabriquée peut suffire à réparer une absence est, en soi, un fantasme technologique.

Ce que ce dispositif donne à voir, c’est la tentation contemporaine de déléguer ce que nous ne savons plus habiter.
Il révèle moins une solution qu’un vide.
Et la manière dont ce vide peut se peupler de simulacres.

Quelle place laissons-nous à notre propre désir d’être en lien, si nous le laissons s’externaliser dans des scripts conversationnels ?

InTouch interroge notre époque de façon troublante.

Non parce qu’il propose une solution inadmissible, mais parce qu’il rend visible un mécanisme déjà à l’œuvre : celui d’un effacement progressif de la responsabilité subjective dans le lien.

Mais à qui parle-t-on, quand on ne parle à personne ?

À nous de rappeler que le lien ne se programme pas.
Qu’il ne se code pas.
Qu’il se vit.
Et qu’il nous engage.

 

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